J’arrive tout juste du Forum ouvert 3.0 de Communautique, un organisme communautaire montréalais travaillant à favoriser l’implantation et l’utilisation des technologies de l’information et des communications (TIC) auprès d’organismes communautaires et de groupes sociaux défavorisés.
L’initiative du Forum ouvert, qui en est à sa troisième édition, vise à ouvrir un espace de débat et de rencontre entre intervenants œuvrant dans le milieu des technologies citoyennes, principalement dans le communautaire. Au menu cette année, d’abord une table ronde regroupant Michelle Blanc (conseillère en marketing web), René Barsalo (directeur recherche et stratégie à la Société des arts technologiques – SAT) et Yves Otis (co-fondateur de Percolab, une boîte spécialisée en techno-pédagogie), suivie de 14 « nano-conférences » d’à peine 6 minutes et permettant à différents intervenants de venir présenter leur travail touchant aux technologies citoyennes.
Évidemment, il m’est difficile de résumer une table ronde d’une heure, suivie d’un marathon de 14 conférences qui, pour brèves qu’elles aient pu être, n’en étaient pas moins denses, stimulantes et instructives. Je retiendrai cependant, pour brosser un portrait nécessairement bref et tronqué des discussions, la dénonciation de l’appropriation commerciale des réseaux, les nombreuses initiatives citoyennes offrant un espace de débat démocratique et d’action concertée entre intervenants d’horizons divers et, surtout, le constat de la nécessité d’une initiative gouvernementale, sinon sociétale, pour le développement d’un plan du numérique ancré dans une vision globale de la société et de la culture québécoises.
Comme on l’indique sur le site web du projet, www.unplannumeriquepourlequebec.com, le projet vise à:
« doter le Québec d’une stratégie numérique qui lui permette de faire rayonner la société québécoise dans chacune des facettes où elle se distingue aujourd’hui, de mobiliser la communauté autour d’un projet rassembleur et inclusif reflétant les besoins de la population québécoise, des individus et des groupes mobilisés par l’élaboration du «plan numérique pour le Québec» invitent la population à proposer des candidates et candidats en vue d’une élection populaire d’une ou d’un ministre du Développement numérique du Québec. »
Ce besoin d’une représentation et, plus largement, d’une réflexion de fond à donner au développement numérique s’inscrit dans une prise en compte de l’omniprésence des TIC dans nos modes de travail et de vie, et de la nécessité d’une appropriation réflexive de celles-ci qui considère ses enjeux et implications sociaux et culturels.
Ce qui me frappe toujours quand j’étudie l’histoire de l’informatique ou encore en fréquentant les cercles indépendants – et très souvent de gauche – et/ou communautaires, c’est l’omniprésence d’une culture démocratique très ouverte, quasi-libertaire. Un peu comme si la technologie devenait un enjeu de société par lequel pouvait être renouvelée et vivifiée la démocratie. Devant les monopoles des infrastructures, le ton est à la résistance, au développement de solutions alternatives, à la sauvegarde du libre accès à l’échange d’information. Dans un tel contexte, l’appropriation de la technologie participe d’une résistance aux pressions du système économique marchand, la Toile faisant lieu de métaphore et de lieu d’action démocratiques. Penser l’Internet pluriel, c’est également refuser l’homogénéisation marchande et instrumentale de la société, et aussi utiliser la technologie comme moteur de développement social et culturel.
Je ressors plus que jamais convaincu de l’importance fondamentale de réfléchir de façon critique le développement des nouvelles technologies et son impact sur nos sociétés, tant au niveau démocratique (libre-accès et libre-expression) que culturel (transmission, voire construction des connaissances). Devant l’inertie imbécile de nos différents paliers de gouvernement et sur laquelle je reviendrai plus en longueur, les initiatives communautaires apparaissent comme un pôle de développement et de réflexion aussi dynamique qu’essentiel. Comme j’ai cependant pu le constater lors de la table ronde, des intervenants ouverts et critiques de différents milieux (marketing, arts et technologie) peuvent apporter, chacun, un éclairage à la fois différent et complémentaire. Ne reste qu’à espérer que de tels espaces de rencontre se multiplient et finissent par faire prendre conscience à nos politiciens de l’urgence de développer une approche concertée et réfléchie du numérique, comme c’est notamment le cas de la France, et aussi des États-Unis.