La simple action de faire son marché est pour moi, comme pour plusieurs autres environnementalistes radicaux (ai-je dit ça?), une tâche extrêmement lourde de sens. Pour quiconque est conscientisé par son empreinte écologique et souhaite la maintenir le plus bas possible, l’achat des aliments est une lutte contre les hectares de terres utilisés(1). En effet, la consommation de nourriture, trois fois par jour en moyenne dans les pays occidentaux, représente une portion importante de notre consommation annuelle. Et puisque la gastronomie n’est plus restreinte aux plats nationaux, les aliments qui se retrouvent dans nos assiettes proviennent souvent de très, très loin(2).
Panier d’épicerie en main, je parcours donc les allées en me demandant: que puis-je bien manger ce soir sans être en discorde avec mes principes? Évidemment, je le suis, en discorde, avec ces fameux principes! Quel Québécois ne mange que steak, patate et navet en hiver? Quel amateur de sushi ne prendra part à ce plaisir que lors d’un séjour au Japon? Il y en a mais malheureusement, pas moi! Malgré mes déboires de consommation moins responsable, je reste fervente partisane du acheté local, tout spécialement en été. Certains clament au protectionnisme écologique, soit, il n’en demeure pas moins qu’au nom de l’environnement, j’y adhère. Pourquoi importer massivement des denrées qui sont pourtant produites à quelques kilomètres de chez soi?Pour en revenir à notre épicerie quatre saisons, il y a moyen de diminuer considérablement notre impact environnemental en prenant soin de réfléchir à ce que nous mettons dans notre panier. Si certains produits sont un casse-tête lorsque l’on cherche l’alternative la moins néfaste pour l’environnement, d’autres sont d’une évidence colossale. Limiter le suremballage et la consommation quotidienne de viande sont deux exemples simples pour lesquels il est facile, à mon humble avis, de faire un effort si l’on souhaite être respectueux de notre environnement, évidemment. Et c’est là où je veux en venir. Pourquoi des gestes aussi simples ne sont-ils pas pratiqués par les gens qui se disent pourtant conscientisés? Plusieurs réponses m’ont été offertes à cette question, «tu es fatigante» étant la plus populaire!
Comme réponses plus constructives, j’ai eu droit à: «j’aime trop la viande, je ne peux m’en passer», «je n’ai pas le temps de cuisiner» ou «je planifiais manger du brocoli et il n’y avait que celui dans une assiette de styromousse emballé dans quatre kilomètres de papier glacé». OUCH! Celle-là, elle fait mal! Non, je ne peux pas comprendre comment le fait de désirer manger ce légume vert passe au-dessus de l’avenir de notre planète qui pourrait être mieux préservé par le choix d’un autre légume vert! Comment le luxe de pouvoir s’offrir de la viande quotidiennement peut-il l’emporter sur la connaissance des impacts considérables de l’élevage sur l’environnement?
Je me permets ici un petit paragraphe sur la consommation de viande. En effet, il faut entre 40 et 70 calories de végétaux pour produire 10 calories de viande. La viande demande des hectares pour le pâturage, la culture du fourrage et une quantité d’eau impressionnante. C’est une consommation non durable, et la réduction de la consommation de calories animales est définitivement souhaitable d’un point de vue environnemental.
Évidemment, ce ne sont pas uniquement ces simples actions individuellement posées qui changeront le monde. Mais si moi je ne le fais pas, qui le fera et comment pourrai-je conscientiser les autres autour de moi? Cette petite lutte au marché du coin, qui me paraît bien simple, est trop marginalisée et j’appelle donc, avec ce court texte, à la moralité (environnementale, bien sûr) des consommateurs à prendre le dessus sur les envies gustatives spontanées.
Des petits gestes qui ne changent pas le monde, sauf que…
Notes
(1) Voir l’article de Julie Parent, «L’indicateur apocalyptique», Le Panoptique, décembre 2006.
(2) Voir l’article de Julie Parent et Kelly LeBlanc, «Alimentation: à des kilomètres de votre assiette…», Le Panoptique, septembre 2006.