La Géorgie et la Russie: un cas d’ingérence humanitaire?

Le 8 août 2008 est passé à l’histoire comme la journée d’ouverture des Jeux olympiques de Beijing. Avec la décision du gouvernement géorgien d’utiliser la force contre la province séparatiste de l’Ossétie du Sud, cette journée est également passée à l’histoire comme le début d’une nouvelle crise internationale. Plusieurs des questions alors soulevées sont demeurées sans réponse. L’Ossétie du Sud a-t-elle droit à l’indépendance? L’usage de la force par la Géorgie pour assurer sa souveraineté est-il légitime? Et l’ingérence militaire de la Russie afin de protéger les victimes civiles est-elle justifiée? Dans tous les cas, il nous est permis d’exprimer des doutes quant aux intentions réelles des forces russes lorsqu’elles ont franchi la frontière géorgienne, ce samedi du mois d’août.

15 Bullet Holes
Alan Levine, 15 Bullet Holes, 2008
Certains droits réservés.

L’Ossétie du Sud et son indépendance

La Géorgie est née de l’éclatement de l’Union Soviétique au début des années 1990. Peu de temps après son accession à l’indépendance, des tensions ethniques entre Géorgiens et Ossètes ont commencé à émerger. En septembre 1990, le parlement ossète adopta une déclaration d’indépendance. En réponse, les autorités géorgiennes abolirent le statut autonome de l’Ossétie et, en janvier 1991, y déployèrent la garde nationale.

Ces actions déclenchèrent une guerre civile qui s’est conclue 15 mois plus tard par un cessez-le-feu et l’arrivée d’un contingent russe pour maintenir la paix. Depuis lors, l’Ossétie du Sud vit dans un statut de quasi indépendance, c’est-à-dire qu’elle est gouvernée comme un État moderne indépendant, mais sans reconnaissance internationale(1). Cet état de fait est inacceptable pour Tbilissi, la capitale de la Géorgie, et l’invasion militaire de l’Ossétie du Sud se veut ainsi l’aboutissement d’une escalade qui avait débuté quelques semaines plutôt.

L’ingérence humanitaire, une norme internationale?

Le système international est basé sur le principe de l’égalité formelle des États et du respect de la souveraineté de chacun. Le concept de souveraineté a deux volets: un interne et l’autre externe. Le volet interne se résume à «l’institutionnalisation des relations d’autorités formelles hiérarchisées où l’État exerce l’autorité suprême à l’intérieur d’un territoire délimité(2)». La souveraineté externe consiste, en quelque sorte, en la capacité d’action d’un État sur la scène internationale.

Les États ont un devoir de non-ingérence envers les autres États. Autrement dit, ils ne doivent pas violer leur souveraineté et intervenir dans leurs champs de compétence internes. Par exemple, il est inacceptable qu’un État finance un parti politique chez son voisin afin de favoriser la mise en place d’un nouveau gouvernement plus conciliant à son égard. Ce principe de non-intervention est reconnu dans la charte de l’ONU, à l’article 2 aliéna 7. Mais comme le souligne le politologue Philippe M. Defarges, ce principe du respect de la souveraineté a certaines limites, et peut être ignoré à quelques occasions(3).

Principalement, on peut invoquer deux raisons pour justifier une violation de la souveraineté d’un État. Premièrement, il y a la protection d’un État faible par rapport aux forts, comme dans le cas de l’invasion par un voisin plus fort d’un pays incapable de se défendre. C’est sur cette base qu’une coalition internationale, les États-Unis à sa tête, repoussa les forces irakiennes en dehors du Koweït au printemps 1991.

Il est aussi possible d’invoquer la volonté d’empêcher le massacre de populations civiles. C’est-à-dire qu’une intervention est légitime lorsqu’un État est incapable de remplir ses responsabilités de protecteur vis-à-vis l’ensemble de sa propre population. En 1998, les forces de l’OTAN ont invoqué le principe de l’ingérence humanitaire pour légitimer le bombardement de la Serbie, et mettre ainsi fin au massacre et à la déportation des Albanais du Kosovo.

Par contre, l’OTAN n’avait pas agit avec l’assentiment des Nations Unies, puisque la Chine et la Russie avaient apposé leurs vetos contre la résolution présentée au Conseil de Sécurité. Ceci montre que l’ingérence humanitaire est loin de faire consensus et est fortement soumise à des jeux de pouvoir conjoncturels.

Intervention humanitaire ou logique de Guerre froide?

Lorsque les chars d’assaut russes ont franchi la frontière géorgienne cet été, ils ont invoqué le concept d’ingérence humanitaire. C’est-à-dire, dans ce cas, arrêter le massacre de la population civile ossète et supporter le contingent russe de maintien de la paix déjà en place en Ossétie du Sud. S’il est encore trop tôt pour être absolument sûr du nombre de victimes civiles chez la population ossète, quelques raisons nous amènent à soulever des doutes quant à la volonté réelle de Moscou lorsqu’elle fit le choix d’envahir le territoire géorgien.

Dans un premier temps, ce serait une erreur de croire que l’ingérence moscovite débuta en août 2008, car depuis 1992, la plupart des Ossètes sont détenteurs d’un passeport russe, et la monnaie de prédilection dans cette province est le Rouble. Ce genre d’interventions s’arrime mal à des motifs humanitaires, mais tient plutôt de l’impérialisme en contrevenant à la souveraineté géorgienne.

Depuis le démantèlement du bloc soviétique, la sphère d’influence de la Russie n’a cessé de se réduire. Plusieurs anciennes républiques se sont jointes au camp de l’Ouest par le biais de l’Union européenne ou de l’OTAN. De ce point de vue, les actions entreprises par Tbilissi pour mettre au pas sa province rebelle semblent n’être qu’un prétexte utilisé pas Moscou pour mettre son poing sur la table et tenter de mettre fin à l’hémorragie.

L’ingérence humanitaire dans la région est issue des années 1990, une décennie où les préoccupations sécuritaires avaient laissé plus de place aux considérations humanitaires(4). Mais avec les attentats du 11 septembre et la «Guerre à la terreur», cette hiérarchie des priorités semble s’être inversée à nouveau(5). L’ingérence humanitaire semble avoir perdu son objectif antérieur, celui d’aider les populations dans le besoin. Elle est plutôt venue s’ajouter aux cordes de l’arc des puissants de ce monde pour leur permettre d’atteindre leurs objectifs.

Conclusion

En conclusion, l’intervention humanitaire se veut un moyen de limiter la souveraineté d’un État qui en abuserait aux dépends d’une population civile. Mais, il est important de rappeler que dans les faits, les États sont inégaux et que bien souvent les faibles font ainsi les frais de la politique des puissants. Et jusqu’à ce que l’on définisse clairement les critères d’intervention, on pourra donner à plusieurs ingérences des prétextes humanitaires.

Mais compte tenu du changement des priorités au niveau international, où les considérations de sécurité reprennent de l’importance par rapport aux enjeux humanitaires, la possibilité de voir une telle définition est pratiquement nulle.

Il semble plutôt évident à l’observateur extérieur que la Russie avait d’autres motifs que ceux relevant de considérations humanitaires lorsqu’elle a décidé d’envahir la Géorgie. Mais l’on peut difficilement blâmer exclusivement Moscou d’agir ainsi, puisque les Américains ont donné l’exemple en invoquant des raisons humanitaires pour justifier l’invasion de l’Afghanistan et de l’Irak. Ainsi est pavée la voie à la perversion d’un principe qui se voulait au départ apolitique et pour le bénéfice de tous.

Notes

(1) KOLSTO, Pal et Helge, BLAKKISRUD, «Living with Non-recognition: State and Nation-building in South Caucasian Quasi-state», Europe-Aisa Studies, vol. 60, no. 3, (mai 2008), p. 483-509.
(2) LAPOINTE, Thierry, «Souveraineté», dans MACLEOD, Alex et al., Relations internationales: théories et concepts, Athéna éditions, Outremont, 2004, p. 230.
(3) DEFARGES, Philippe M., L’ordre mondial, Armand Colin, Paris, 2003, p. 168.
(4) WHEELER, Nicholas J. et Alex J. BELLAMY, «Humanitarian intervention in world politics», dans BAYLIS, John et Steve, SMITH, The Globalization of World Politics: An Introduction to International Relations, Oxford University Press, Oxford, 2005, p. 556.
(5) Ibid., p. 572.

4 réponses sur “La Géorgie et la Russie: un cas d’ingérence humanitaire?”

  1. Cet article manque de relativisme, que ce soit la Russie ou les usa….toutes intervention à des intentions purement stratégique , à mon avis avant tout aux ossetes eux mêmes de décider d’être rattachée ou pas à la Russie, ce qui est déjà le cas,donc l’intervention de la Russie dans sa zone d’influence n’a rien d’étonnant, le plus étonnant …ce sont les rôles qu’ont joués les pays occidentaux dans la guerre de l’information, le rôle des états unis juste avant ce conflit est encore plus troublant…mais bon tout cela vous le savez bien, puisque c’est un site de propagande…censure ou pas, tel est la …la question….

  2. Pas de censure….alors autant pour moi, j’aime provoqué….sinon je pense que sur ce sujet vous êtes sous informés, dites moi pourquoi pan optique…vu la définition de
    Ce terme…

  3. La mission longue, en effet…cela convient à un pan optique, sinon le conflit Géorgie-Russie…les citoyens occidentaux ont étaient victime d’une désinformation de masse, un article sur la désinformation médiatique…sur ce sujet serai le bienvenue, comme il n’y à pas eu de génocide bosniaque…aussi ce que l’ont sait…les américains ont débarqués les moudjahidin afghans en Bosnie, ces mercenaires djhiadiste ont commencer par massacrer tout un village d’habitant serbe, les serbes ont répondu avec la même violence, le conflit ayant pris entre les deux communautés…les médias occidentaux ont pris le relais…en diffusant seulement les massacres commis par les serbes et en faisant l’impasse sur les massacres commis par les djhiadistes bosniaque, la suite ont la connais, pour le pourquoi…stratégie us d’encerclement de la Russie…

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