Le 28 décembre 2006, la Food and Drug Administration (FDA) a émis, aux États-Unis, un verdict préliminaire favorable à la commercialisation de la viande provenant d’animaux clonés. Quoique cette décision puisse éveiller les peurs du public, les arguments de la FDA s’appuient sur les conclusions de plusieurs articles scientifiques. En effet, les tests de qualité en vigueur dans l’industrie ont été appliqués à de la viande issue du clonage, et les résultats sont probants. Aucune différence significative n’a été descellée entre la viande d’animaux issus de la reproduction naturelle et celle d’animaux clonés. Essentiellement, le clonage n’implique aucune modification du code génétique et vise la copie génétique d’un organisme. Donc, le résultat n’est pas un organisme génétiquement modifié (OGM).
La certification des viandes est aujourd’hui sujette à de nombreux tests de qualité dans l’industrie alimentaire. Ces tests sont standardisés et ciblent certaines propriétés de l’animal qui doivent être mesurées. La compétition étant féroce afin d’offrir le meilleur produit, certaines bêtes sont très convoitées à titre de géniteur du fait que le code génétique qui les caractérise produit une excellente viande (selon les tests de qualité). Un célèbre exemple est le bœuf Starbuck, décédé en 1998. Ce géniteur a eu plus de 200 000 descendants(1). Puisque la progéniture ne détient que la moitié des gênes du père, ce dernier demeure très convoité jusqu’à sa mort. Avec le développement du clonage, il devient intéressant pour l’industrie, à court terme, de cloner ces bêtes à des fins de reproduction. Le clonage d’animaux d’élevage a déjà été effectué pour plusieurs races d’animaux(1;2). Toutefois, étant donné leur rareté et leur prix, les animaux clonés se limitent, pour l’instant, à être principalement des objets de recherche scientifique. Néanmoins, avec le développement des techniques et à la suite d’une décision récente de la FDA, l’introduction d’animaux clonés et de leurs progénitures dans la chaîne alimentaire humaine semble imminent.
En effet, le FDA, qui régit la commercialisation des nouveaux produits aux Etats-Unis, a émis un verdict le 28 décembre 2006 quant aux dangers de la commercialisation de la viande provenant d’animaux clonés. Dans un document de plus de 600 pages, la FDA passe en revue plusieurs centaines d’études scientifiques portant sur la santé d’animaux issus du clonage et de leurs progénitures(3). Certaines de ces études ont notamment soumis le lait et la viande d’animaux clonés aux tests de qualité en vigueur dans l’industrie alimentaire. Ces études démontrent que le lait et la viande d’animaux clonés satisfont les critères de qualités actuels(2;4).
Or il est intéressant de noter que, dans ces études, une distinction est faite entre les animaux issus des différentes méthodes de clonage. En fait, il existe essentiellement deux méthodes pour cloner un animal(5): 1) le clonage par scission d’embryon et 2) le clonage par transfert.
1) Le clonage par scission d’embryon
Lorsque fécondée, l’ovule se développe en un embryon dans l’utérus. Le clonage par scission d’embryon consiste à reproduire ce qui se passe naturellement chez les vrais jumeaux. Il s’agit de scinder l’embryon durant les premiers stades de son développement. À ce stade, l’embryon est essentiellement composé de cellules souches embryonnaires qui peuvent produire toutes les cellules nécessaires afin de constituer un organisme entier. L’embryon peut être divisé en autant de fractions qu’il est constitué de cellules (la cellule est la plus petite division possible). Les nouveaux embryons sont ensuite insérés dans un utérus afin qu’ils poursuivent leur développement normal qui aboutira à la naissance.
2) Le clonage par transfert nucléaire
Le clonage d’un organisme peut également être effectué par transfert nucléaire. Dans ce cas, on récupère le noyau d’une cellule (qui contient plus de 99% du matériel génétique de l’individu) afin de le transférer dans un ovule fécondé, dont on a préalablement retiré le noyau. On distingue deux techniques:
a) Transfert de noyau de cellule d’embryon
Il s’agit d’utiliser le noyau d’une cellule souche embryonnaire et de l’insérer dans un ovule fécondé privé de son noyau. L’ovule dont on a modifié le contenu génétique est ensuite inséré dans l’utérus d’une mère porteuse. Cette technique a été utilisée pour la première fois dans les années 1980 afin de cloner des souris.b) Transfert de noyau de cellule somatique
Cette technique est considérablement plus complexe et permet le clonage d’organismes adultes. Essentiellement, la technique consiste à transférer le noyau d’une cellule somatique spécialisée (une cellule de peau, par exemple). Presque toutes les cellules d’un animal contiennent le matériel génétique nécessaire pour produire une copie de l’organisme. Néanmoins, lorsqu’une cellule souche embryonnaire se spécialise afin de produire toutes les cellules nécessaires au développement d’un organisme entier (peau, cheveux, cœur, etc.), elle n’exprime alors que l’information génétique nécessaire à la reproduction de son type de cellule. La division de l’ovule qui contient le noyau de la cellule spécialisée doit donc être sollicitée afin que l’ovule se développe en embryon. Le premier clonage d’un animal adulte a été effectué par une équipe de chercheurs écossais en 1996. Un choc électrique a été appliqué à l’ovule afin de démarrer la division cellulaire. Néanmoins, le stress que provoque cette technique sur l’ovule résulte en un faible taux de succès. La naissance de Dolly a nécessité 277 ovules fécondés qui ont produit 29 embryons viables qui ont abouti à la naissance de trois brebis dont seulement une a survécu(6).
Le rapport de la FDA fait essentiellement référence à la méthode par transfert de noyau de cellule somatique (2b), puisque les éleveurs ne pourront connaître la qualité de la viande d’un animal avant sa naissance et que le clonage sera effectué sur un animal adulte. Il est toutefois curieux de constater que les clones issus de cellules souches embryonnaires (méthodes 1 et 2a) ont déjà été utilisés pour la consommation humaine et n’ont jamais fait l’objet d’études publiques(2). Le clonage par l’utilisation de cellules non embryonnaires mène pourtant au même résultat, soit la création d’une copie génétique d’un organisme – sans modification du code génétique, donc sans OGM.
La différence majeure entre la technique qui utilise des cellules souches embryonnaires et celle qui utilise une cellule somatique est que la dernière possède un taux de succès très bas. Cette technologie n’est pas au point, et plusieurs tentatives ont mené à des malformations. Toutefois, ces problèmes ne sont pas différents de ceux rencontrés par d’autres techniques de reproduction assistée actuellement utilisées selon la FDA(3;7). Lorsque l’animal cloné naît en santé, il se développe normalement. Afin de réduire les risques sur la santé des animaux clonés, la FDA propose dans son document de mettre sur pied des normes pour l’industrie, conjointement avec la communauté scientifique.
Dans les deux études scientifiques qui ont conclu à la comestibilité du lait et de la viande d’animaux clonés, l’une considère des animaux clonés issus de cellules embryonnaires(4) et l’autre des animaux clonés à partir de cellules somatiques(2). Toutefois, il faut noter que la dernière est basée sur un échantillon très limité d’animaux (2 pour la viande et 10 pour le lait).
En résumé, un document récent de la FDA approuve l’introduction de clones dans l’industrie alimentaire. Or, étant donné le manque de maturité de la technique de clonage par le transfert de noyau de cellule somatique et le prix actuel des clones qui en sont issus, il est à prévoir que l’utilisation de clones ne servira strictement qu’à des fins de reproduction. Ce seront donc uniquement leurs progénitures, issues de la reproduction naturelle, qui se retrouveront dans nos assiettes. Néanmoins, les études concluant à la comestibilité des animaux clonés sont basées sur des échantillons très limités et d’autres études devraient idéalement être conduites afin d’appuyer davantage leurs conclusions. Il est à noter que le communiqué de la FDA n’est pour l’instant qu’un brouillon. La version finale ne sera publiée qu’après une période de consultation publique de 3 mois, laquelle a récemment débutée.
Références
(1) Agence Science-Presse. 17 décembre 2000. «Clonage d’une célébrité». [En ligne]. <http://www.sciencepresse.qc.ca/archives/capque0900d.html>. Consulté le 10 janvier 2007.
(2) TIAN, X. Cindy et autres. «Meat and milk compositions of bovine clones». Dans Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, vol. 102, no 18, 2005, p. 6261-6266.
(3) U.S. Food and Drug Administration.9 janvier 2007. «A risked-based approach to evaluate animal clones and their progeny». [En ligne]. <www.fda.gov/cvm/CloneRiskAssessment.htm>. Consulté le 10 janvier 2007.
(4) DILES, J.J.B., GREEN, R.D., HUGH, L.G., Mathews, G.L., MILLER, M.F. Prof. Anim. Sci., vol. 12, 1996, p. 244-249.
(5) Institut national agronomique Paris-Grignon. 13 janvier 2006. «Sur le chemin du clonage…». [En ligne]. <www.inapg.inra.fr/ens_rech/bio/biotech/textes/techniqu/clonage/clonage1.htm>. Consulté le 10 janvier 2007.
(6) CAMPBELL, K.H., MCWHIR, J., RITCHIE, W.A., WILMUT, I. «Sheep cloned by nuclear transfer from a cultured cell line». Dans Nature, vol. 380, no 6569 (7 mars 1996), p. 64.
(7) U.S. Food and Drug Administration. 28 décembre 2006. «FDA Issues Draft Documents on the Safety of Animal Clones». [En ligne]. <http://www.fda.gov/bbs/topics/NEWS/2006/NEW01541.htm>. Consulté le 10 janvier 2007.