On apprend aujourd’hui que Loto-Québec entend développer un portail de jeu en ligne. Le sujet est sensible, le représentant de la santé publique est sur le cul, mais je reste perplexe.
Pas que je sois très pour moi-même, mais seulement il me semble que certains aspects du problème sont contournés.
De un, le jeu en ligne existe depuis plusieurs années déjà, a connu une croissance exponentielle et représente aujourd’hui un marché annuel de 26 milliards de dollars. Les sites de poker, par exemple, se mettent solidement en marché, alors qu’on apprend qu’un joueur dépense en moyenne 3 à 4 fois plus sur de tels sites que lorsqu’il joue en chair et en os. Y’a comme pas les jetons qu’on a ou pas en face de soi pour se ramener à sa condition. Et le crédit, et tout et tout.
J’ai deux exemples personnels. Primo, un gars que j’ai connu qui avait pris une couple de bières un soir (probablement mauvais), qui s’est connecté à un tel site et qui a plafonné sa carte de crédit. Drôle, mais pas drôle en même temps. Et mon frérot, qui joue tranquillement sur une base régulière, toujours avec de petites mises mais avec patience et un certain talent, puisqu’il gagne une couple de cent à chaque trimestre je crois.
Le fond du problème, donc. Il semble bien, d’abord, que le jeu soit pratiquement dans la nature humaine, c’est un peu comme pour les putes ou la drogue, on peut s’offenser et tout, mais il y en a toujours eu et il y en aura toujours. C’est comme ça.
Et comme pour les loteries-vidéo, il semble que le crime organisé occupe l’espace du jeu en ligne. Dans ce cas, on peut difficilement dire que le fait que l’État occupe à son tour cet espace, de façon disons un peu plus responsable et éthique, ne soit un mal. On nous dit qu’on contrôlera l’âge des joueurs, qu’on leur donnera du support et des balises, et que le site sera impiratable. Faudrait quand même pas sous-estimer les Chinois, sur lesquels je reviendrai d’ailleurs bientôt.
D’autre part, on ne nous dit pas en quoi cela fera disparaître les sites existants et en quoi les internautes n’y auront plus accès. On imagine difficilement un firewall national qui en bloque l’accès comme en Chine. Donc si le site gouvernemental bloque les jeunes et les compulsifs, ceux-ci pourront toujours se retourner sur les sites illégaux, hébergés sur des serveurs logés dans d’obscurs appartements de no man’s land post-soviétiques. Les pédophiles, entre autres exemple méprisable, connaissent bien le truc.
Par-delà toute morale, pour fondée qu’elle puisse être, existe la réalité du Web, et on ne peut pas appuyer sur le bouton précédent sur ce sujet. Reste que l’immédiateté que permet l’Internet apporte visiblement son lot problèmes.
Qu’on se rappelle seulement que les produits dérivés des institutions financières qui ont causé la crise actuelle n’ont été possibles que grâce aux réseaux virtuels, que l’économie financiarisée elle-même ne pourrait être pensée sans l’interconnexion planétaire.
À quand une véritable politique du numérique?
Le projet de casino en ligne du gouvernement et de Loto-Québec risque de créer au Québec entre 120 00 à 160 000 nouveaux joueurs compulsifs. Ce n’est pas rien! L’étude de Griffith lié à l’utilisation de casino Internet de la société soeur de Loto-Québec en Suède (Svenska Spel) démontre que non seulement l’offre de jeu légal n’a pas endigué l’offre de jeu illégal mais elle a amené 52% de nouveaux joueurs en ligne! La moyenne de participation de la population à des jeux en ligne au Canada est de 2% sauf dans les provinces ou les jeux de casino en ligne sont étatisés: en Colombie-Britanique ce taux est de 5% et au Nouveau-Brunswick de 8%! Il n’y a aucun motif de croire que le taux de joueurs compulsifs aux jeux en ligne soit différent de ce que l’on observe ailleurs (entre 20% et 25%).
Pour en savoir plus sur ce projet de Casino Internet de Loto-Québec et/ou pour signer la pétition: http://petition-loto-quebec.com – Pour signer directement la pétition: http://www.assnat.qc.ca/petition/SignerFr.aspx?idPetition=100