Si ça ne tenait qu’à moi, il n’y aurait que des romans au format poche. Les nouveautés sortiraient directement à taille lilliputienne et il n’y aurait que les livres de références, d’art, de psychologie populaire et d’ésotérisme d’une taille supérieure. Je pousse même mon rêve jusqu’à dire que tout livre de plus de quatre cents pages devrait être publié en plusieurs volumes.
Je ne jure que par le format poche et pas trop épais s’il vous plait. Pourquoi? Outre la question monétaire, qui n’est pourtant pas négligeable, pour des simples raisons de transport, de confort et d’esthétisme.
Je lis en transport en commun ou assis sur un banc inconfortable de bar ou de café. Il est rare que je prenne le temps de m’installer dans un truc confortable pour passer le temps en tournant des pages. Lorsque je suis à porté d’un truc confortable, souvent j’ai plus urgent à faire que de m’y enfoncer. Je me trouve donc condamné à lire debout, en me tenant à un poteau nécessaire, ou assis un verre à la main. De ces aveux, vous comprendrez que je lis d’une seule main, et ce, pour des raisons tout à fait honnêtes.
La lecture à une main demande un pouce pouvant retenir la page rebelle, la tourner si nécessaire, l’annulaire, le majeur et l’index pour soutenir la tranche et l’auriculaire pour maintenir le tout en place en faisant le ballant du pouce sur la page opposée. Cet exercice devient franchement acrobatique si le volume contient plus de quatre cent cinquante-sept pages, sans parler des dangers de tendinites et autres afflictions intolérables aux extrémités de mes bras.
Les grands formats ne se lisent que difficilement d’une main. Trop gros, trop lourds, ils fatiguent vite leur support et du coup, nous devons les prendre à deux mains. Lorsque je lis un livre à deux mains j’ai l’impression d’être handicapé dans mes mouvements, sans parler de la piètre image que je dégage ayant l’air d’avoir les deux mains sur un volant. L’idéal, c’est de le poser sur une table ou, si la position générale du corps le permet, sur les jambes, mais dans un cas où dans l’autre, c’est le cou qui doit se tordre inhumainement et le dos, bien vite, rend l’âme et vous voilà obligé d’engloutir trois relaxants musculaires qui vous coupent immédiatement toutes capacités intellectuelles pour poursuivre votre lecture.
Si la taille et le poids ne vous ont pas réduit en miette, si le prix ne vous a pas rebuté, si la grandeur inégale de ces volumes ne vous pose pas un problème dans votre bibliothèque, alors il me reste encore un argument, à condition que votre vue soit bonne : la taille des caractères.
Si j’ai envie de lire quelque chose écrit gros, avec un grand espacement entre les lignes, que je peux lire sans lunettes, je lis la Presse. Sinon, moi j’aime bien faire glisser mes yeux d’une ligne à l’autre sans trop d’effort afin de me permettre de lire plus rapidement, donc de « rentrer » dans l’histoire, dans le récit de façon plus efficace. Je ne veux pas être obligé de tenir le livre à plus de quarante-cinq centimètres de mes yeux sous peine de fatigue oculaire aiguë.
Malgré tout, ma consommation viscérale de certains auteurs m’oblige, deux ou trois fois l’an, à m’acheter un de ces trop grands livres. Tous Djian, bien sûr, qui est l’exception à la règle, que je rachète en édition originale (grand format) dès qu’un exemplaire me tombe sous les yeux, est acheté à sa sortie. Par contre, vice entre tous les miens, je les rachète au format poche plus tard, pour faciliter la relecture à mon aise. Beigbeder aussi a droit aux grands formats et finalement, ceux qui ne sortiront jamais au format poche pour cause de trop petits tirages, Josée Blanchette par exemple.
Si ma mauvaise foi et mon argumentaire ordinaire vous ont laissés froids, imaginez alors ceci : combien de livres en plus seraient disponibles dans les librairies si tous les livres s’en tenaient au format poche? Combien d’espace libéré ainsi? Ne serait-il pas merveilleux de ne pas avoir à faire trois ou quatre librairies pour trouver telle ou telle œuvre? Ne serait-il pas fantastique que tout Hugo, Djian, Gary, Sartre, Duras, Dumas, Chateaubriand, etc. étaient disponible là où vous alliez?
Voilà, je hais les grands formats.
Deux Djian sont à paraître.