Alors que les scandales de collusion, voire même de corruption, font les manchettes de façon répétée au Québec depuis plusieurs mois, il est permis de se questionner sur la santé de notre démocratie. Cette problématique, qui forme la trame de fond de la plaquette intitulée Des jeunes et l’avenir du Québec. Les réflexions d’un promeneur solitaire[1], écrite par Paul St-Pierre Plamondon, est au centre des préoccupations du groupe de réflexion Génération d’idées (GEDI).
Fondé il y a un an et demi environ par Paul St-Pierre Plamondon, Stéphanie Raymond-Bougie et Mélanie Joly (tous trois avocats), GEDI se veut un espace de débats et d’action pour la génération des 25-35 ans. Organisme à but non lucratif et non partisan, GEDI désire stimuler la participation des jeunes aux affaires de la Cité, en leur proposant de se prononcer sur différents enjeux de société.
C’est d’ailleurs l’optique dans laquelle fut lancée Génération d’idées à l’automne 2008, une revue qui regroupe de courts textes d’opinions sur différents sujets, eux-mêmes présentés par un « mentor », spécialiste du domaine ou personnage public. Il est par ailleurs étonnant, pour une revue comme Le Panoptique, de constater la facilité avec laquelle les artisans de GEDI mirent leur projet sur les rails et se réseautèrent dans différents milieux (professionnels, médias, politique, etc.)[2]. De fait, le caractère « professionnel » de GEDI transparaît quelque peu dans les réflexions proposées, qui sont souvent davantage orientées sur les solutions que sur une considération large des problématiques traitées. Chacun son créneau, pourrait-on dire, et c’est très bien ainsi.
Alors même qu’on entend souvent décrier l’apolitisme et l’individualisme de la jeunesse, un projet comme GEDI, et surtout, l’intérêt certain qu’il suscite, est là pour rappeler que les jeunes ont beaucoup à dire pour peu qu’on leur donne une tribune. Par ailleurs, si GEDI est sans doute le groupe ayant le mieux fait parler de lui dans les médias, il importe de souligner que de nombreuses initiatives – de tout horizons politiques – travaillent, malgré le climat malsain qui caractérise présentement les affaires publiques, à instaurer plus de débat et de démocratie dans notre société[3].
Des jeunes et l’avenir du Québec
Le livre de Paul St-Pierre Plamondon s’inscrit dans la démarche de GEDI et propose un compte-rendu synthétique d’une tournée du Québec effectuée par l’auteur dans 19 villes afin d’y rencontrer des jeunes de 20 à 35 ans. Le point de départ de l’auteur relève d’un constat, celui de la faible participation des jeunes au sein des institutions politiques existantes, à commencer par les partis, alors même qu’ils s’investissent dans d’autres causes, notamment dans l’humanitaire et l’altermondialisme.
St-Pierre Plamondon émet l’hypothèse, devant le cynisme dont il est témoin envers la classe politique et les scandales qui, depuis près d’un an maintenant, tombent les uns après les autres, d’un bris de confiance au sein de la population envers les institutions publiques, et particulièrement auprès des jeunes. Faisant référence au contrat social de Rousseau (d’où le clin d’œil peut-être de son sous-titre), St-Pierre Plamondon allègue que la corruption des cercles politiques, particulièrement en ce qui a trait au financement, compte pour beaucoup dans le désintérêt qu’on observe.
De fait, l’indépendance des politiciens peut difficilement être garantie s’ils doivent, dans les conditions actuelles du financement politique, avoir recours aux dons privés afin de pouvoir mener campagne. En comparaison, l’indépendance financière des magistrats les désintéresserait des tentatives de corruption du processus judiciaire, une pratique dont St-Pierre Plamondon a été témoin en Amérique du Sud lors d’un stage.
Cependant, les allégations récentes quant au trafic d’influence dans la nomination des juges viennent quelque peu refroidir la sympathie envers le système judiciaire que porte la réflexion de St-Pierre Plamondon. Nous apprenons tous, avec un désarroi certain, l’omniprésence des réseaux d’influence et d’intérêts qui affectent manifestement un nombre effarant d’institutions publiques. Comme l’indiquait récemment le chroniqueur Jean-Claude Leclerc dans Le Devoir,
À maints égards, plus grave que ce scandale est la corruption mise au jour ces années-ci dans les médias du Québec. Ce n’est pas seulement l’attribution des contrats publics ni le financement des élections qui est en cause. Et probablement pas la sélection des juges non plus. C’est l’effondrement de l’éthique et du sens de l’intérêt public au sein de classes dirigeantes, de milieux d’affaires, d’organisations syndicales et d’institutions vouées à la formation des cadres de la collectivité.
Même une enquête sur le milieu de la construction et ses rapports avec les partis ne suffirait pas à enrayer le cancer qui émerge des officines proches de l’État. Ce mal a un nom qui est pire que l’influence indue: c’est l’enrichissement effréné d’une minorité aux dépens des ressources de la collectivité. Quand même des bureaux d’avocats mesurent la performance de leurs juristes aux «heures» qu’ils facturent, et non aux progrès de la justice, faut-il s’étonner de cette déroute?[4]
À cet égard, St-Pierre Plamondon rappelle que la prise du pouvoir par « l’équipe du tonnerre » de Jean Lesage en 1960 se fit justement en réaction à la corruption et au patronage ayant caractérisé le pouvoir duplessiste. Pour l’auteur, la Révolution tranquille fut marquée, au-delà des différentes réformes de l’État, par la tentative d’instaurer un nouveau contrat social : la social-démocratie. Afin de restaurer l’intérêt des jeunes pour la politique, il importerait donc non seulement d’assainir ses pratiques, mais aussi de mettre de l’avant un projet de société, dont St-Pierre Plamondon souhaiterait qu’il s’inspire des idéaux de la social-démocratie.
Cette réflexion rejoint d’ailleurs le discours d’une bonne partie de la gauche, quelque peu nostalgique des années sociale-démocrates de la période 1960-1980, initiées par la Révolution tranquille, et dont on ne questionne que très rarement les effets pervers. Or, il appert que cette période, au demeurant marquée par une prospérité économique exceptionnelle qui permit les importantes dépenses nécessaires aux réformes sociales, ne profita pas à l’ensemble de la population. S’il est vrai qu’une classe de technocrates fit massivement son entrée dans la fonction publique, la reconfiguration de l’économie et des modes de production entraîna de son côté une forte hausse du chômage chez les travailleurs non qualifiés[5]. Également, il est difficile de regarder l’état actuel des systèmes d’éducation et de santé, ainsi que leurs problèmes récurrents depuis des décennies, et de parler de complètes réussites[6].
De fait, si l’État-Providence a bel et bien été porté par une éthique du vivre-ensemble plus solidaire et même humaniste que le néolibéralisme actuel, il importe de se rappeler qu’il ne fut pas parfait et qu’il ne fut possible que grâce à un contexte économique particulier. Si ce contexte est chose du passé, comme les « lucides » se plaisent à le rappeler, alors peut-être faut-il cesser de regarder en arrière en tentant de restaurer ce qui était, et tenter d’inventer ce qui sera au lieu de se le faire imposer.
Il apparaît clairement que, dans l’ordre des démocraties libérales instauré à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle en Occident, pouvoir politique et intérêts économiques ont toujours été intimement liés, bien que selon des modalités différentes. Devant ce constat et devant la persistance du patronage et de la corruption, il importe peut-être de pousser plus loin la réflexion sur la démocratie, plutôt que de se contenter de vouloir en restaurer sous une modalité plus « acceptable ». Il y a certainement des valeurs de la social-démocratie et même du socialisme avec lesquelles il importe de renouer, mais sans doute le XXIe siècle appelle-t-il une refondation plus profonde de la démocratie libérale qui semble, de scandales en crises économiques, de plus en plus essoufflée, et peut-être aussi de moins en moins démocratique.
Génération d’idées et l’ouvrage de Paul St-Pierre Plamondon proposent des pistes intéressantes et pragmatiques, applicables dans le court terme, pour assainir au moins partiellement le fonctionnement de la politique au Québec[7]. Or, le fond du problème est peut-être plus profond que le fonctionnement des structures et réside plutôt dans les structures elles-mêmes. Le contrat social ne serait alors pas tant à restaurer qu’à instaurer et la démocratie, à faire progresser dans une phase encore inédite.
Pour cela, il faut se donner l’espace de penser et d’agir comme le fait GEDI – et également, à sa façon, Le Panoptique – et comme les partis ne le permettront sans doute jamais, peu importe les sources de financement. La Révolution tranquille a eu Pour une politique, de Georges-Émile Lapalme. Il nous faudra aussi un livre blanc, et surtout des gens pour le mettre en œuvre. Il nous faut repenser le pays pour pouvoir l’habiter de nouveau et mieux que par le passé.
Notes
[1] Montréal, Éditions Les Malins, 2010.
[2] Mélanie Joly était ainsi reçue à l’émission Tout le monde en parle en novembre 2008, quelques mois à peine après le lancement de la revue. Son entrevue, fort intéressante par ailleurs, peut être trouvée sur les sites de partage vidéo.
[3] Parmi ces initiatives, au sein desquelles Le Panoptique a aussi sa place, notons le projet d’une Université populaire à Montréal, issu lui-même du projet de la Nuit de la Philosophie, ainsi que les Nouveaux cahiers du socialisme, édités par les éditions Écosociété, sur lesquels nous reviendrons dans de futures contributions.
[4] Jean-Claude Leclerc, « Le naufrage d’un parti, mais aussi d’une société », Le Devoir, 19 avril 2010.
[5] Voir à ce sujet l’ouvrage de Dorval Brunelle, La désillusion tranquille, Montréal, Hurtubise HMH, 1975, qui comporte peut-être certaines lacunes ainsi qu’une lourdeur conceptuelle, mais propose néanmoins une analyse froide et rigoureuse des données socioéconomiques du Québec de l’après-guerre jusqu’aux années 1970 faisant ressortir des tendances objectives dépassant la mythologie dont cette période fait trop souvent l’objet. Le syndicaliste Michel Chartrand, mort récemment, rappelait justement dans une entrevue rediffusée à Radio-Canada que le taux de chômage n’avait cessé de croître durant les années 1960, tout comme le nombre de conflits de travail. Sur l’émergence des technocrates dans la fonction publique, voir Jean-Jacques Simard, La longue marche des technocrates, Montréal, Éditions Saint-Martin, 1979.
[6] Ce constat de l’échec de plusieurs réformes de la Révolution tranquille fut particulièrement aigu chez certains des acteurs les plus impliqués dans celle-ci. Entre autres exemples, voir les Raisons communes du sociologue Fernand Dumont (Montréal, Boréal, 1997) qui, devant les nombreuses crises sociales marquant la société québécoise contemporaine, voyait la nécessité impérieuse de se redonner les bases d’une culture et d’une éthique communes du vivre-ensemble.
[7] Mentionnons que ce livre sert également de prélude au Sommet de Génération d’idées, qui se tiendra à l’automne 2010 et qui se veut un symposium de réflexion sur l’avenir de la politique et de la société québécoises.
Bonjour,
Vous trouverez ci joint l’adresse de mon Blog ( fermaton.over-blog.com). Votre visite de mon site est fortement appréciée.
C’est une théorie mathématique de la conscience reliant très bien Art-Sciences-Mathématique-philosophie-spiritualité-sports.
Voir La Page: Du champagne au Marathon-Québéçois.
Ce qui est réalisable pour les Québéçois (Théorème des Québéçois.
Cordialement
Dr Clovis Simard
Bonjour,
Je suis perplexe quant à savoir si vous versez simplement et joyeusement dans la pataphysique, ou encore si vous vous prenez vraiment au sérieux, ce qui serait alors troublant.
Sincèrement, je sais que je peux être parfois loufoque, mais j’essaie quand même d’être sérieux dans j’écris pour le Panoptique. Je croyais avoir écrit un article rigoureux malgré qu’il soit certainement critiquable.
Mais certainement pas par un théorème mathématique.
Bonne chance avec votre formule.