L’espoir est sur toutes les lèvres. À cause d’Obama principalement. Je vais vous dire quelque chose à propos de l’espoir. En tout cas de ce type d’espoir qu’a pu susciter hier l’assermentation de maître Obama. C’est un peu de la moulée pour les thons. Cet espoir-là, c’est du « sit back and watch » la parade, mais surtout, lève pas ton gros cul. Je sais que plusieurs d’entre vous, lucides lecteurs, avez cette heureuse tendance de faire la part des choses, et probablement qu’on vous la joue pas à vous, cette vaste farce. Et qu’on ne se méprenne pas non plus, c’est toujours mieux que l’autre taré d’avant. Et c’est un grand pas pour la communauté noire américaine et au-delà. Mais un Noir, c’est toujours qu’un homme. Et un homme, c’est pas grand chose. Pas grand chose contre un système qui a des racines jusque dans nos rêves. C’est là où cet espoir blesse. Il pousse à la béatitude, au sentiment du devoir accompli, alors que rien n’a été fait, qu’au contraire en calmant l’exaspération générale tout cela fait le jeu du pouvoir en place. Je repense aux espoirs déçus des Français qui ont voté Front populaire en 1936. Derrière la vague d’espoir générée par les premières mesures « socialisantes », on s’est échoué dans les eaux stagnantes. C’est finalement un système capitaliste plus fort qui a émergé de la vase. C’est pas très jojo ce que je vous raconte, mais j’ai l’impression sincère que c’est toujours mieux que cet espoir à la con dont La Presse fait présentement ses caractères gras.
Encore une fois bien dit. J’avouerai être un brin réjoui par ce changement, mais à force de trop crier et de sangloter émotivement, on finit par manquer d’oxygène et ce sont les facultés cérébrales qui écopent en premier. D’abord, même si c’est très cool pour le symbole, un Noir président, j’avouerai avoir été très mal à l’aise devant la carte raciale: il me semble que de juger quelqu’un, positivement ou négativement, en fonction de la couleur de sa peau, ça s’apparente au racisme. La même remarque s’applique d’ailleurs à Miss Clinton qui jouait la carte des femmes. Je comprends mal qu’on vote sur une base aussi triviale que le sexe et la couleur, et que les idées arrivent assez loin derrière. Petite question: pour qui une femme noire a-t-elle pu voter à l’investiture démocrate, déchirée entre son sexe et sa peau? Je suis très pro-espoir, mais je dirai avoir vraiment espoir quand on me parlera d’une refonte pénétrante du capitalisme, de la mort des lobbys, du démantèlement du complexe militaro-industriel, etc. Obama est un type inspirant, peut-être le plus inspirant depuis Kennedy, le même Kennedy qui a fomenté la Baie des Cochons… C’est bien d’être inspiré, en fait ça fait du bien par les temps qui courent, mais rien ne vaut une tête froide et une plume bien aiguisée.