Cette année, à l’occasion de l’anniversaire de sa naissance, les faussaires du grand écran mondial nous ont présenté le cadavre du mouvement punk vidé de toute sa chair, maquillé et «designé» selon leurs besoins, si bien qu’on peut finir par douter que ce corps ait un jour été animé. Ainsi, à la manière du philosophe Jean Baudrillard 1, on peut se demander si le mouvement punk a bien existé. En mars justement, le philosophe est parti voir si comme chez nous, l’au-delà est d’ores et déjà gagné par le désert du réel, si là-bas aussi tout est déjà programmé. Ici, aujourd’hui, avec la pensée que nous laisse Baudrillard, nous avons décidé de notre côté de comprendre comment, sous couvert de fêter sa naissance, c’est en fait l’assassinat du mouvement punk que l’on célèbre. Nous avons ainsi essayé de contribuer à ce que ce crime ne devienne pas un crime parfait.
Coche Bomba.
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Le mouvement punk est né il y a 30 ans, le 28 octobre 1977. Naissance sanctionnée par la commercialisation du disque Never mind the bollocks des Sex Pistols. Version admise de la petite histoire. En fait, acte de naissance officiel et premier coup déjà fatal porté au mouvement. Donc, on rembobine et on recommence. Le mouvement punk est mort il y a 30 ans, le 28 octobre 1977. Mort sanctionnée par la commercialisation du disque Never mind the bollocks des Sex Pistols. Acte de décès ironiquement rappelé depuis lors par le slogan publicitaire aux allures de dénégation «Punk’s not dead». Version baudrillardesque de la petite histoire.
Chronologiquement, la genèse du mouvement punk est à situer entre le fiasco du festival hippie d’Altamont en décembre 1969 2 et la découverte d’Ulrike Meinhof pendue dans sa cellule d’isolement de Stammheim en mai 1976 3.Durant cette période, la jeunesse d’Europe de l’Ouest reçoit en pleine face deux phénomènes qui se répondent: d’une part, la désillusion du libertarisme hippie qui avait proclamé que tout était permis mais avait fini par montrer qu’avec lui rien n’était possible et, d’autre part, la révolution réussie des élites néolibérales, dont les idées encore marginales dans les années 1950 et 1960 allaient s’imposer proportionnellement aux crises qui frappaient leurs pays respectifs. Parmi ces derniers, ce fut la Grande-Bretagne qui subit la crise la plus profonde, ce qui lui valut le surnom d’«homme malade de l’Europe» 4. Rien d’étonnant alors qu’avec ces conditions objectives plus que favorables, les élites néolibérales britanniques aient pu proclamer que, dès lors, plus rien n’allait être permis mais que pour elles tout désormais allait être possible. Pour elles, en effet, la voie était ouverte à la mise en place d’un capitalisme dur et dérégulé, fondé sur l’idée que l’inégalité est une valeur positive, et que les portes de tous les Stammheim d’Angleterre seraient désormais ouvertes aux récalcitrants 5. Partant, rien d’étonnant non plus à ce que se développa en Grande-Bretagne un mouvement de rébellion qui rejeta cette perspective d’un avenir encore plus sombre et encore plus sclérosant et qui, au peace and love hédoniste, préféra une radicalité teintée de nihilisme destructeur, exprimée dans le mot d’ordre «Destroy!». Cette opposition désespérée, autoproclamée «génération vide», ne garda du mouvement hippie que le versant noir et violent et n’hésita pas à qualifier ces lendemains dont ils avaient la primeur de «no future».
Mais c’est en définitive le mouvement lui-même qui n’aurait pas d’avenir puisque la révolte réussie fut celle des élites néolibérales qui, en 1979, portèrent au pouvoir une certaine Margaret Thatcher dont la radicalité n’avait rien à envier à celle des punks. Sa stratégie fut somme toute assez simple: comportement néo-fasciste vis-à-vis de la classe ouvrière récalcitrante; récupération douce du mouvement culturel de la jeunesse contestataire. Le gouvernement Thatcher fut donc le premier gouvernement d’un pays capitaliste avancé qui s’engagea publiquement à mettre en pratique le programme néolibéral.
D’un côté, répression du politique, de l’autre, récupération du culturel. Si la grille d’analyse marxiste explique en grande partie la récupération du culturel par la démoralisation de certains de ses acteurs, achetés par le système, il est une œuvre, celle de Jean Baudrillard, qui rétrospectivement est très éclairante sur la façon dont le système a pu dévoyer l’ardeur et la vitalité de ceux que qu’il n’avait, en dernière instance, pas pu acheter.
L’année 1976 constitue probablement l’apogée du mouvement punk. C’est également cette année-là que paraît l’ouvrage de Jean Baudrillard intitulé L’échange symbolique et la mort 6. Dans un chapitre intitulé L’ordre des simulacres, l’auteur expose une généalogie de la production des formes et des signes dans nos sociétés modernes. Il nous rappelle que la période de la Renaissance fut caractérisée par la contrefaçon (on pense notamment aux ornements artificiels et parfois tape-à-l’œil de l’art baroque), une première étape vers la production en série qui caractérisera cette fois l’ère industrielle. Un documentaire comme Les statues meurent aussi, d’Alain Resnais 7, illustre parfaitement cette colonisation de l’art et de la culture par le capitalisme industriel occidental et montre comment celui-ci vide de tout contenu les objets auxquels il s’attaque. Mais Baudrillard va plus loin. À cette phase marquée par le processus de reproduction succède celle qu’il qualifie désormais de phase d’hypersimulation.
C’est une des thèses principales de L’échange symbolique et la mort et elle traversera toute l’œuvre du philosophe. Elle peut s’énoncer de la façon suivante: nous ne sommes plus dans la production mais dans la simulation. Il ne s’agit plus, par exemple, de remplacer un original par ses copies en série, mais de produire des formes et des signes dérivés d’autres formes et d’autres signes sans plus de lien avec la réalité. Déliés du réel, les modèles se prennent eux-mêmes pour modèles, les simulacres ne font plus que simuler d’autres simulacres, le signe recouvre intégralement le réel et finit par le congédier. Ainsi, pour revenir au punk, nous pourrions dire que le système, à des fins de simulation, s’est employé à vider les signes du mouvement de tout contenu, ceci avec la complicité objective des marchands du Temple que furent, par exemple, les mondains Malcom McLaren et Vivienne Westwood, ces habiles VRPs du «punk chic» 8. Comment, dès lors, ne pas entendre dans l’idée de Baudrillard que tout est probablement déjà fini, parce qu’il n’y aura que simulation et donc pas de fin (et donc pas de futur), le cri de ceux qui, dès 1977, sentant qu’ils étaient pris au piège, alertaient à coups de «no future» de la récupération et de la mort imminente du mouvement. En 1976, les vociférations nofuturesques étaient encore mues par le désir et partant, génératrices de désordre et de conflit (donc de récit). Contestation du spectacle. La suite ne sera que mise en scène du faux ou, pour utiliser une formulation toute baudrillardesque, la vie du punk ne se déroulera plus que dans la carte, au lieu du territoire. Spectacle de la contestation.
Et aujourd’hui, cyberpunks, néopunks, anarcho-punks ne sont donc que simulacres de rebelles. Versions virtuelles, signes autoréférentiels parfaitement coulés dans l’époque, sans idéologie et à ce titre dénués de signification et donc inutiles. Pourtant, si le punk fut le dernier soubresaut dans le tracé désormais plat de l’électro-encéphalogramme de la contre-culture, compte tenu du contexte actuel et de ce qui se profile à l’horizon, il n’est pas exclu que de telles secousses puissent se reproduire car comme le dit Léo Strauss dans De la tyrannie:
Il y aura toujours des hommes qui se révolteront contre un État qui veut détruire l’humanité ou dans lequel il n’y a plus guère de possibilités d’action ou de grands exploits. […] Tandis qu’elle sera peut-être vouée à l’échec, cette révolution nihiliste sera peut-être la seule action à l’actif de l’humanité de l’homme, le seul acte vraiment grand et noble qui sera possible lorsque l’État universel et homogène sera devenu inévitable.9
Désir menacé, espèce menacée
En attendant cette prochaine «révolution nihiliste», il faut se rendre à l’évidence que l’édification de cet «état universel et homogène», qu’évoque Strauss, est en bonne voie. Cette idée d’un système clos, homogène et universalisé est également présente dans la pensée de Jean Baudrillard avec, substitué à l’«état» que Strauss pose comme acteur de la déshumanisation, le sentiment cette fois d’un processus sans sujet jouant une partition, exécutant un code. Le système sociétal occidental, c’est-à-dire la démocratie de marché mondialiste et en passe d’être mondialisée, semble désormais fonctionner en roue libre. Il n’y a plus de pilote dans l’avion. Il n’y a plus de causes. Il s’agit à présent d’un mécanisme non identifiable qui s’apparente plutôt à un dispositif fonctionnant tout seul. Ainsi serions-nous engagés dans un mécanisme purement opérationnel dans lequel le désir ou la volonté ne jouent plus aucun rôle. Car si l’existence n’est plus dramatisée par des conflits ou une ardeur à se dépasser (un dépassement affirmatif, une volonté de puissance), si tout est déjà réalisé, alors à quoi bon continuer à désirer et à vouloir? La disparition du réel est donc l’extinction du désir et de la volonté. Elle revient à dire non à la vie.
Partant, c’en est donc, selon Baudrillard, fini de l’avenir, mais c’en est fini aussi du passé. Fini donc également l’histoire, plus de finalité, plus de perspectives. Fini les marges, fini les utopies (elles sont toutes réalisées). Nous sommes dans une virtualisation du monde qui procède d’une hypermédiatisation de toute chose qui fait que, par exemple, les évènements n’ont tout simplement plus lieu. C’est le règne sur la réalité du «temps réel» (inverse du temps réel) et des signes. Plus de distance, plus de lien social, plus de pensée, plus d’essence ni de transcendance. Cette réalité intégrale où tout est opérationnalisé, où tout est virtuel (hors de toute référence à une réalité), vise ainsi à faire disparaître la mort et par conséquent la vie, ce qui ne peut, conclut Baudrillard, que conduire à la mort de notre espèce. Le philosophe ajoute d’ailleurs que ce processus de liquidation du réel pourrait justement être motivé par la tentation de notre espèce à souhaiter disparaître.
Mais quel est-il exactement, ce réel en train de disparaître? Et qui provoque sa perte ?
L’histoire de l’Occident a patiemment donné corps à des idéaux émancipateurs et à des principes de rationalité, érigeant en évangiles de justice les idées de liberté, d’égalité et de laïcité. Le monde, tel que le concevaient jusqu’alors nos sociétés occidentales, incluait comme moteurs essentiels de cette Histoire: un principe de réalité, l’usage de la Raison, des contradictions et de la transcendance. Ce même Occident est en train de supprimer ces éléments fondamentaux au profit d’un monde expurgé de toute négativité. À l’assomption du principe de réalité se substitue, par la promotion intensive du principe de plaisir, une logique déresponsabilisante. À la transcendance se substitue, par le désenchantement du monde et la désacralisation de toute chose, l’empire exclusif des signes du capitalisme moderne. À l’usage raisonnable de la Raison se substitue le recours à la superstition et la foi en des charlataneries des plus diverses.
Cette mutation radicale de nos sociétés occidentales substitue donc au réel ce que Baudrillard nomme «la réalité intégrale». Réalité qui procède de l’absorption de toute chose par le système et par sa mondialisation. Absorption qui, comme nous venons de le suggérer, ne ménage par exemple plus aucun espace alternatif et ne laisse plus aucune place à la dualité. En ce sens, Baudrillard n’hésite pas à parler de «société intégriste». Et donc, les sociétés occidentales, par le biais de cette mondialisation «intégriste», étendent cette disparition du réel à l’échelle de la planète tout entière.
Mais ce que Baudrillard considère comme encore plus inquiétant, c’est l’anéantissement de l’illusion radicale du monde, celle qui pouvait envisager la réalisation d’une virtualité et dont nous pourrions dire que, dans leur nihilisme actif et l’énergie vitale de leur haine, nos bons vieux punks, évoqués plus haut, l’éprouvaient encore.
Il faut en effet bien comprendre que le processus consistant à liquider le réel ambitionne à la fin de tuer le désir de désirer et de conduire à ce que Nietzsche désignait par nihilisme passif. Il est donc nécessaire de distinguer ici le nihilisme actif résultant d’une expérience de la souffrance et du désespoir qui fut celui du mouvement punk des débuts, du nihilisme passif contemporain, ce simulacre de nihilisme, cet «aquoibonisme» hédoniste exclusivement tourné vers la satisfaction de son petit moi. D’un côté, volonté de vivre, de l’autre, volonté de faire le mort. Le mouvement punk n’a d’ailleurs pas échappé à ce dévoiement du nihilisme lorsqu’il s’est contenté d’exiger un monde sans contrainte ayant fait table rase du passé. Il tomba alors dans les travers auxquels il s’était primitivement opposé, à savoir l’hédonisme du libertarisme spontanéiste. Musicalement, cela donna la new-wave dansante ou le punk contaminé par le disco tout-puissant. En revanche, à la boule à facettes certains résistants préférèrent alors les catacombes dans lesquelles ils laissèrent exploser une violence encore plus sombre et encore plus autodestructrice, celle de l’industriel et de la cold-wave ou celle du mouvement gothique. Passage d’une expérimentation de l’absurdité du système à l’expérimentation de la mort.
Ici encore, concernant cette idée de résistance suicidaire, de «conduites névrotiques», de «détraquements multiples» et de «jeu de la mort» par lesquels certains défient le système de les intégrer, L’échange symbolique et la mort fournit des passages saisissants:
Dans un système qui somme de vivre et de capitaliser la vie, la pulsion de mort est la seule alternative. Dans un univers minutieusement réglé, un univers de la mort réalisée, la seule tentation est de tout normaliser par la destruction. 10
Et un peu plus loin:
En fait il n’y a pas de lendemain: ce sont toujours ceux de l’administration des choses. La mort exige d’être vécue tout de suite, dans l’aveuglement total, dans l’ambivalence totale. Mais est-elle révolutionnaire? Si l’économie politique est la tentative la plus rigoureuse pour mettre fin à la mort, il est clair que seule la mort peut mettre fin à l’économie politique. 11
Comment alors est-il possible de dire oui à la vie? Y a-t-il une sortie?
Agir, pas réagir – Dire oui à la vie
Résumons ce que Baudrillard nous dit concernant les effets de cette disparition du réel sur les dispositions des individus 12. Il semble distinguer trois mouvements majeurs induits par l’hégémonie de cette «réalité intégrale»: la mélancolie, la nostalgie et le défi lucide – entendons que l’un de ces mouvements n’existe pas à l’exclusion des deux autres:
– La mélancolie
Elle est très certainement la disposition la plus répandue dans nos sociétés occidentales car celles-ci, noyées dans une illusion pure, privées d’origine et de sens, sont dans un état profondément mélancolique. Difficilement évitable, la mélancolie est une réaction qui ne se révèle pas néfaste et qui peut même entrer dans la composition d’un «remède», à condition de ne pas être exclusive et de ne pas être une ataraxie ou une apathie dépressive, mais un travail enthousiaste et positif, consistant à organiser cette mélancolie ou à l’accompagner d’une abréaction créative. Dans la perspective de redevenir Punk, il s’agirait par exemple, «par opposition avec la voluptueuse ataraxie [d’une] certaine musique parisienne 13», de célébrer «la volonté violente, un pessimisme viril et sain 14».
– La nostalgie
Ici encore, ce mouvement relève plus de la réaction que de l’action. En ce sens, sans la rejeter intégralement, Baudrillard ne la croit pas pertinente comme arme de résistance face à l’anéantissement des valeurs. Peut-être, en tant que retour vers quelque chose, la considère-t-il trop proche du simulacre ou de l’artifice ou, du moins, pressent-il sa propension à y conduire. Lui veut croire en une possibilité de salut au-delà et non en deçà. La question étant que, dans un processus de réhabilitation des valeurs perdues, on ne sait jamais jusqu’où on revient en arrière 15. Le même problème subsiste si, au lieu de réhabilitation on préfère parler de régénération de valeurs perdues – la seule possibilité restant alors la génération de valeurs d’un autre ordre accompagnée d’une nouvelle façon de générer des valeurs. Il ne suffit pas de remettre la valeur au centre du jeu, il faut également jouer avec ses propres règles et non plus avec celles du système.
– Le défi lucide et extrême
Au contraire des deux autres mouvements, celui-ci se situe dans l’action et non dans la réaction. À ce titre, il constitue peut-être une sortie. C’est cette possibilité, au-delà invoquée par Baudrillard, la possibilité d’une dimension autre que celle de l’objet perdu simplement ressuscité. Cette voie réclame une radicalité qui consiste à pousser le système aux extrêmes de sa logique, jusqu’à son effondrement, pour «voir». Mais pour Baudrillard, pas question de nihilisme ou de terrorisme. Il invoque ici une théorie qui doit être une hypersimulation. Il s’agit d’«aller par anticipation au bout d’un processus, pour voir ce qui se passe au-delà», tout en se gardant de recourir aux armes traditionnelles fournies par une Raison désormais inadaptée à la mise en cause d’un système devenu incontrôlable. Pas les vieilles alternatives donc, mais plutôt des singularités d’un autre ordre. Envisage-t-il alors la génération d’une nouvelle Raison porteuse d’une critique radicale inédite? Cette idée de défi lucide est difficilement préhensible, sans doute parce que les modalités de ce défi doivent être inventées. Baudrillard le présente comme un élan porteur de vitalité. Cette indication pourrait ainsi permettre à chacun d’en tirer sa propre définition.
À titre personnel, je l’entendrais comme une haine heureuse, comme une ironie lucide, comme un pessimisme radicalement joyeux ou une joie radicalement pessimiste. Comme redevenir Punk, retrouver l’esprit punk, c’est-à-dire s’opposer à un ordre «établi» dont il faut prendre conscience qu’il est paradoxalement et désormais sans cesse en mouvement. Retrouver l’esprit punk, c’est-à-dire s’affilier de nouveau à une histoire et continuer à la faire vivre avec tous les ajustements que l’époque implique ou, pour reprendre une formule d’Alain de Benoist: n’être nostalgique que de l’avenir. À chacun de voir.
Baudrillard semble présupposer chez les individus, par ailleurs bombardés d’Idéologie, l’existence à l’état résiduel d’une disposition à la transgression. Il semble également que c’est bien par la réinvention de formes d’opposition d’un nouvel ordre, de nouvelles transgressions, de nouvelles façons de pécher, qu’il est possible de sortir du carcan de la réalité intégrale. La faiblesse du principe hégémonique constitué par la réalité intégrale étant, pour citer Léon Bloy lorsqu’il parlait du Hasard, que, comme Dieu, il «peut tout, il veut tout et il fait tout», mais qu’à la différence de Dieu «il ne s’oppose à rien, ne défend rien» 16. Notre salut face à la disparition du désir est donc peut-être l’actualisation de la notion de péché, à l’aune de valeurs d’un autre ordre. Ce serait trouver où est le mal aujourd’hui.
Notes (cliquez sur le numéro de la note pour revenir au texte)
1. Jean BAUDRILLARD. La guerre du Golfe n’a pas eu lieu. Galilée, 1991.
2. Le 6 décembre 1969, environ 300 000 personnes assistent au festival. Mais contrairement au pacifique Woodstock (dont cet événement voulait être la réplique ouest-américaine) ce festival est marqué par la violence (bagarres entre le public et le service d’ordre composé de Hell’s Angels) et signera une étape de fin dans le mouvement hippie. Un spectateur, un adolescent noir, âgé de 18 ans, Meredith Hunter, y sort une arme et est alors poignardé à mort par un des membres du service d’ordre. Deux adolescents seront écrasés, dans leurs sacs de couchage, par un chauffard sous l’emprise du LSD, et une quatrième victime, sous l’emprise de la même drogue, se noiera dans un canal d’irrigation en voulant prendre un bain.
3. Ulrike Marie Meinhof était journaliste avant de devenir en 1970 l’un des membres les plus actifs du groupe Fraction Armée Rouge qui perpétra de nombreux actes terroristes en Allemagne durant les années 60-70.
4. Située au 15e rang des pays de l’OCDE en 1971 (mais au 5e en 1951…), la Grande-Bretagne était tombée au 18e rang en 1976, année où sa part dans la production industrielle mondiale tomba sous le seuil des 10%, alors qu’elle était encore de 20,5% en 1955. Voir Canal académie [En ligne] <http://www.canalacademie.com/Margaret-Thatcher.html>
5. L’exemple de Bobby Sands et de ses camarades de l’IRA qui en 1981 moururent en prison des suites de leur grève de la faim fut une mise en pratique de cette menace.
6. Jean BAUDRILLARD. L’échange symbolique et la mort. Gallimard, 1976.
7. Alain RESNAIS. Les statues meurent aussi, 1953. (Court-métrage documentaire).
8. Malcom Mclaren était le manager des Sex Pistols. Sa compagne Vivienne Westwood était styliste de mode. Ils gérèrent ensemble une fameuse boutique de mode punk appelée Sex.
9. Léo STRAUSS. De la tyrannie. Paris, Gallimard, 1997, p. 338.
10. Jean BAUDRILLARD. L’échange symbolique et la mort. Paris, Gallimard, 1976, p. 268.
11. Ibid., p. 282.
12. Si tout au long de notre texte nous nous sommes appuyé sur les notions puisées dans les ouvrages, articles et interviews de Jean Baudrillard, ce dernier paragraphe se réfère plus précisément à l’émission de radio Répliques (France Culture, samedi de 9h à 10h), du 7 mai 2005, intitulée «Penser le présent» et dont le philosophe était l’invité.
13. R. ROLLAND. Jean-Christophe, La Foire sur la place, 1908.
14. Ibid.
15. L’illusion de la faim ou La Grève des Evénements, transcription de la rencontre co-organisée au Théâtre Sorano de Toulouse par la librairie Ombres Blanches, le Théâtre Sorano et le GREP-Midi Pyrénées le 11 décembre 1992 à l’occasion de la parution aux Editions Galilée du livre de Jean Baudrillard L’Illusion de la Fin ou la Grève des Evénements. Voir [En ligne] <http://www.grep-mp.org/conferences/Parcours-7-8/ILLUSION-FIN.htm> À cette occasion, Baudrillard avait déclaré: «pour qu’il y ait une véritable nostalgie, il faut qu’il y ait une marche, un déroulement en avant des choses. Dès lors que les choses, les processus se mettent à retourner en arrière, la nostalgie n’a plus de finalité, de raison d’être. La vraie nostalgie, qui est la nostalgie romantique, a été très belle au temps du progrès, mais elle est beaucoup moins sûre aujourd’hui.»
16. Léon BLOY. Exégèse des Lieux Communs. Rivages poche, 2005.