Yves Saint Laurent. Metteur en scène de la mode féminine

L’exposition Yves Saint Laurent , présentée du 29 mai au 28 septembre 2008 au Musée des beaux-arts de Montréal, rend hommage à l’amoureux des couleurs, des tissus, des formes et de l’art que fut Yves Saint Laurent. Elle fait suite aux rétrospectives récemment présentées en France et aux États-Unis en l’honneur des couturiers marquants du XXe siècle.

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, 2008
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Yves Saint Laurent : une exposition d’actualité

À l’heure où les grands musées de ce monde s’intéressent de plus en plus à la haute couture et aux créateurs du siècle dernier, cette première rétrospective couvrant les quarante années de la m aison de Haute C outure Yves Saint Laurent honore Montréal et l’inscrit parmi les villes d’avant-garde dans le domaine de la mode. Elle s’inscrit parmi les expositions consacrées au travail de couturiers, présentées depuis un an notamment en France et aux États-Unis. L’année dernière, l’exposition Christian Lacroix, histoires de mode du Musée des arts décoratifs de Paris proposait un retour sur le parcours et la création du couturier qui célébrait ses vingt ans de carrière. La même année, à New York, Poiret: King of Fashion présentée par le Costume Institute du Metropolitan Museum of Art exposait une série de tableaux, de peintures, de dessins ainsi qu’une cinquantaine de modèles vestimentaires du couturier.

Yves Saint Laurent et Christian Lacroix, histoires de mode : comparaison de deux expositions

Si l’on compare les thématiques proposées par Yves Saint Laurent et Christian Lacroix, histoires de mode, ces deux expositions ont en commun le désir de rendre hommage au génie créateur des artistes. Dans le cas de Yves Saint Laurent , la forme est plus traditionnelle. Les commissaires Florence Müller, Diane Charbonneau et Jill D’Alessandro ont développé cinq sujets qui permettent d’explorer les différentes influences du couturier et, particulièrement, l’influence de l’art sur son œuvre. Pour Christian Lacroix, histoires de mode, la forme était davantage expérimentale, car le commissaire Olivier Saillard a fait appel à Christian Lacroix lui-même pour rédiger les textes. L’objectif de cette rétrospective était d’abord que le créateur se familiarise avec les collections de costumes du Musée des arts décoratifs, qu’il fasse ensuite une sélection de modèles l’inspirant et à partir desquels il pouvait établir des liens avec ses propres créations pour enfin monter une exposition. Sous la forme de jeux de miroirs entre le passé et le présent, Christian Lacroix expliquait l’influence de l’histoire et des modes sur son travail.

La force de Yves Saint Laurent , sur le plan muséal, est la disposition des vêtements sur des mannequins montés sur des piédestaux autour desquels les visiteurs déambulent. Alors qu’il est intéressant dans ce type d’exposition d’être à proximité des créations, la faiblesse de Christian Lacroix, histoires de mode était la disposition des vêtements sur des supports à l’intérieur de vitrines. Seuls quelques modèles étaient mis en avant- plan sur des mannequins et il était impossible de s’approcher des modèles pour observer les tissus ou les détails. Par conséquent, la scénographie de Yves Saint Laurent se trouve enrichie par l’originalité de sa forme.

Yves Saint Laurent au Musée des beaux-arts de Montréal : une ouverture onirique

Un tapis noir, couleur préférée du couturier, disposé sur les marches du grand escalier du pavillon Michael et Renata Hornstein du Musée des beaux-arts de Montréal dirige les visiteurs vers l’entrée de l’exposition. Tout en haut, sur la mezzanine, plusieurs modèles de manteaux et de robes ainsi qu’un grand miroir chapeauté du nom du couturier les accueillent. Le miroir présente des extraits vidéos des débuts du couturier montréalais, à l’œuvre dans son atelier. L’une des fenêtres clignote et révèle un somptueux bijou, le C ollier conçu pour la collection printemps-été 1962. Objet fétiche du couturier, ce dernier le fit porter par son modèle préféré lors de chacun de ses défilés. Cette introduction onirique et colorée transporte le visiteur de l’autre côté du miroir, comme dans Alice au pays des merveilles , où il découvre le regard original d’un homme posé sur la femme et les multiples façons de la vêtir et de la rendre séduisante.

Le parcours d’un artiste

«À la fine pointe du crayon», thème introductif de l’exposition Yves Saint Laurent, rappelle la méthode adoptée par ce couturier pour préparer et concevoir une collection. Pour Yves Saint Laurent, le vêtement doit être en mouvement sur un corps en action et il ne doit pas nuire au dynamisme du corps. Au contraire, il doit le libérer de toute contrainte. C’est ce que tente de faire la R obe du soir automne-hiver 1970 avec sa crêpe de laine et sa dentelle florale dévoilant le dos. Cette dentelle, faisant rêver, titille l’œil et donne l’impression d’être voyeur .

La R obe du soir automne-hiver 1990, faite de dentelles brodées, munies de rubans de satin de soie de couleur rose, met également en valeur la silhouette en laissant une ouverture sur le côté dévoilant la jambe, la hanche et la taille. La transparence et les ouvertures qui caractérisent ces modèles permettent à la femme d’être plus libre, d’être en pleine possession de ses gestes et de sa démarche et de montrer ses meilleurs atouts. Même vêtue en homme, la femme demeure distinguée dans les vêtements d’Yves Saint Laurent, dont la coupe délicieuse du P remier smoking automne-hiver 1966 est toujours aussi jeune et sexy. La force du couturier se situe dans les références artistiques évoquées par ses vêtements. En les contemplant, des images tirées du cinéma, de la photographie, du théâtre ou de la littérature nous viennent à l’esprit et rappellent l’élégance hardie des robes portées par Anouk Aimée et Anita Ekberg dans La dolce vitae de Fellini.

«La palette» et «Les voyages imaginaires» sont les principaux thèmes abordés dans la salle suivante de l’exposition du Musée des beaux-arts de Montréal. Elle permet de réaliser que Yves Saint Laurent a l’audace de jouer avec les couleurs. Il aime harmoniser les contrastes et concevoir de nombreuses palettes flamboyantes. Les couleurs qu’il affectionne le plus sont le rouge, le rose et le noir. Le noir est sa couleur favorite pour le jour parce qu’elle absorbe la lumière tandis que les couleurs vivantes, le couturier les conserve pour la nuit alors qu’elles animent l’obscurité et cultivent les mystères. Cette salle permet aussi de réaliser que les nombreux voyages d’Yves Saint Laurent l’inspirent, comme en témoignent les modèles à travers lesquels il rend hommage aux pays dont l’histoire, les coutumes et les traditions nourrissent sa création. Parmi ceux-ci se trouvent le Maroc, la Chine, l’Afrique, l’Inde, l’Espagne et la Russie.

Une fenêtre sur l’histoire et sur l’art

La troisième salle de l’exposition Yves Saint Laurent s’ouvre sur une passerelle. Au-dessus de celle-ci, un écran présente les vêtements choisis pour l’exposition, portés par d es mannequins lors de défilés. Sur la pièce musicale Satisfaction des Rolling Stones, les ensembles dans lesquels déambulent les mannequins nous invitent à voyager dans le temps. Ils proposent un croisement entre l’actualité de la mode et les costumes d’époque de l’histoire de France des XVIIe et XVIIIe siècles.

L’hommage aux peintres est également un thème soulevé dans cette rétrospective . Yves Saint Laurent admire les artistes (Renoir, Picasso, Van Gogh, Matisse, Poliakoff, Wesselmann et Mondrian), qui animent chez lui une fantaisie: celle de créer des modèles inspirés de tableaux. Ainsi, l ’ensemble L es Iris printemps-été 1988 en hommage à Van Gogh rend avec justesse la brillance, le côté éclatant et vivant des fleurs peintes par l’artiste. Les couleurs et les matières choisies par le couturier pour concevoir son ensemble, dont la paillette, les rocailles, la crêpe de soie et le satin, se rapprochent du relief des tableaux de Van Gogh qui appréciait les surfaces texturées.

Le questionnaire de Proust

L’exposition Yves Saint Laurent se termine sur une note touchante et intimiste au son de la douce voie du couturier répondant au questionnaire de Proust. À la question «quel est votre trait principal de caractère ?», il répond la volonté. Cette qualité se perçoit dans ses modèles, car ils témoignent d’une volonté de proposer des vêtements innovateurs, poétiques et sensuels qui célèbrent la femme et mettent en scène son corps, ses gestes et sadémarche. Les collections de Yves Saint Laurent se distinguent par les recherches artistiques, historiques, littéraires et culturelles dont elles sont inspirées. Avec ses collections, le créateur semble vouloir unifier les multiples domaines artistiques, les divers pays et leurs cultures, ainsi que le passé et le futur pour créer une œuvre d’art totale, une célébration, un grand théâtre.

Expositions en cours

Yves Saint Laurent retrace l’histoire, l’évolution et les thèmes traités dans les tenues vestimentaires du grand homme. Pour quiconque souhaitant mieux connaître ce virtuose du vêtement féminin, l’exposition est à ne pas manquer. Une autre exposition de mode est actuellement présentée à Paris, à la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint –Laurent, du 14 mars au 31 août 2008: Une passion marocaine. Enfin, Valentino, thèmes et variations est en cours au Musée des arts décoratifs, exposition consacrée au couturier italien, du 17 juin au 21 septembre 2008.

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