Prétendre répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs (1) est un objectif titanesque. Pour y parvenir, mettre en œuvre de nouvelles politiques au niveau international est un moyen judicieux. Mais quels bénéfices peut-on en tirer réellement si l’on maintient des pratiques préjudiciables au développement durable?
L’Organisation pour la Coopération et le Développement Économique (OCDE) a publié en mars 2007 un ouvrage sous le titre Réforme des subventions et développement durable: aspects d’économie politique(2). Il y est question des subventions accordées à différents secteurs d’activités dans la majorité des pays de l’OCDE et de leurs effets néfastes sur l’environnement. Bien que l’agriculture soit le «visage» de ces aides financières gouvernementales, d’autres secteurs comme la pêcherie, la foresterie, les transports ou l’énergie n’y échappent pas.Le mécanisme est généralement identique pour toutes les industries qui reçoivent ces aides. Une subvention crée une incitation à produire et à consommer des ressources ou des biens dont le coût réel est prohibitif. La situation qui en découle comporte un risque de surproduction ou de surconsommation de la ressource en question. Cette conséquence est antithétique avec l’objectif de développement durable, puisque la capacité des générations futures à satisfaire leurs besoins se trouve alors compromise. Dans le cas de la pêche, par exemple, selon des estimations les subventions représenteraient, au niveau mondial, 14 à 20,5 milliards de dollars américains par an, soit 20 à 25% des revenus de la filière. Dans ces circonstances, les subventions aux pêcheries conduisent directement à l’épuisement des stocks à cause de la surpêche(3).
En s’appuyant sur des études de cas sectoriels, l’ouvrage de l’OCDE illustre l’idée que des changements de politiques structurelles, comme les subventions, dépendent en grande partie des pratiques de bonne gouvernance. De plus, toute action de cette nature requiert un engagement politique, de la transparence, de la cohérence et un soutien aux industries concernées pour opérer la transition vers de nouvelles politiques.
Le mérite d’un tel ouvrage est de poser, sous l’angle du développement durable, les jalons d’un dialogue sur la réforme des subventions. Mais il ne faut toutefois pas perdre de vue qu’à l’heure actuelle, aucun engagement n’est pris au niveau international quant à une éventuelle réforme dans le dossier des subventions. L’instance désignée pour discuter de politiques commerciales est l’Organisation mondiale du commerce, au sein de laquelle le débat est confisqué par les divergences Nord-Sud concernant les subventions agricoles. L’«Initiative pour le coton» est le plus récent épisode illustrant cette divergence. Dans celui-ci, le Bénin, le Burkina Faso, le Mali et le Tchad tentaient d’obtenir la suppression des subventions américaines à la production et à l’exportation de coton. Dans ce contexte, ce n’est pas de sitôt que les recommandations de la publication de l’OCDE seront mises en œuvre pour assurer un développement durable.
Notes
(1) De Mme Gro Harlem Brundtland, Premier Ministre norvégien en 1987.
(2) En anglais “Subsidy Reform and Sustainable Development: Political Economy Aspects.”
(3) Voir la Déclaration ministérielle de Doha .
Références
(1) Déclaration ministérielle de Doha , [En ligne]. <http://www.wto.org/french/thewto_f/minist_f/min01_f/mindecl_f.htm#rules > Consulté 15 Juin 2007.
(2) Mandat de Doha , [En ligne]. <http://www.wto.org/french/thewto_f/minist_f/min05_f/brief_f/brief08_f.htm > Consulté 15 Juin 2007.
(3) OECD, Sustainable Development Studies Subsidy Reform and Sustainable Development: Political Economy Aspects , SourceOECD Environment & Sustainable Development, 10 (May 2007), pp. i-134(135).