Rencontre avec deux pairs-aidants venant en aide aux jeunes de la rue à différents niveaux
Né d’un partenariat entre plusieurs organismes communautaires et publics – l’Anonyme, Cactus Montréal, CSSS Jeanne-Meance, Dans la rue, Dollard-Cormier et Plein Milieu – le Collectif d’intervention par les pairs vise à changer les comportements à risque chez les jeunes de la rue au centre ville de Montréal en les conduisant à l’adoption de comportements sécuritaires dans leur quotidien.
L’entrevue en format audio: [audio:https://lepanoptique.marcouimet.net/audio/Panoptique_entretien_pairs_aidants_Kim_leger.mp3|titles=Entretien sur les pairs aidants avec Kim Léger]
Kim Heynemand et Marc-André Savory, font partie d’une équipe des six pairs-aidants – anciens jeunes de rue, âgés de 18 à 25 ans – qui travaillent au sein d’un organisme en collaboration avec un intervenant. Ils nous livrent un regard croisé sur leur expérience de la rue et leur engagement personnel qui vise à changer les préjugés envers les jeunes marginaux et les faire exister socialement aux yeux de la société.
À sa création, le Collectif avait pour mission de prévenir la transmission des infections telles que le VIH et les autres ITSS (maladies sexuellement transmissibles). Ce projet ambitieux a vu le jour à la clinique des jeunes du CLSC des Faubourgs dans l’optique de prendre contact avec les jeunes en difficulté et existe depuis maintenant seize ans. Au fil du temps d’autres associations se sont greffées au projet, enrichissant les interventions comme la réduction des méfaits de l’utilisation des drogues injectables, l’amélioration du mode de vie et le soutien des jeunes de la rue.
La difficulté à joindre la population marginale itinérante a conduit le Collectif à « approcher la rue par la rue ». L’idée est venue de recruter d’anciens jeunes issus de la rue, de les former et les intégrer aux organismes communautaires afin de leur permettre d’œuvrer auprès de jeunes en détresse. Leur atout est d’atténuer l’incompréhension qui existe parfois entre les jeunes et les intervenants qui ne sont pas « passés par là ». Leurs histoires, leur familiarité avec le milieu leur permettent de pénétrer dans des lieux habituellement inaccessibles aux autres intervenants et de rejoindre des personnes qui sont déconnectées du réseau de la santé.
Les pairs-aidants s’investissent à différents niveaux dans l’objectif de rejoindre les jeunes dans leur milieu. Kim oeuvre collectivement en organisant des événements ayant pour but de développer l’identité, la confiance en soi des jeunes. De son côté, Marc-André travaille quotidiennement à la construction de relations de soutien et d’écoute sur le terrain.
Rencontre avec Kim Heynemand, Paire-Aidante du Collectif (CSSS Jeanne-Mance) qui participe à l’organisation du Festival d’expression de la rue (FER) de Montréal.
À l’aube de l’organisation de la 14e édition du FER de cet été, Kim accorde une entrevue au Panoptique sur sa thématique : « marginalités ». Elle nous parle de l’organisation du festival, de l’objectif d’un tel événement et des populations auxquelles il s’adresse. Marquée par la vie de la rue, elle partage son expérience, nous explique son rôle au sein d’un organisme qui vient en aide aux jeunes marginaux et nous livre ses motivations.
Pleins feux sur une jeune femme active et impliquée qui milite au quotidien contre les préjugés envers les personnes de la rue.
ENTREVUE
Marc-André Savory est associé à l’organisme communautaire Plein Milieu. Il sillonne les rues du centre-ville à la rencontre des jeunes dans leur milieu. Il parle « d’intervention à bas seuil » ; pour lui tout le monde peut bénéficier de soutien et d’une écoute. Son travail de terrain s’élargit également au milieu scolaire ; avec des élèves du secondaire auprès desquels il fait des interventions.
Julie Robert : Peux-tu nous expliquer en quoi consiste ton quotidien en tant que travailleur de rue ?
Marc-André Savory : « J’arpente les rues en faisant un travail préventif, c’est à dire de la distribution de condoms et de matériel d’injection. Mon rôle est d’informer les jeunes de la rue en ciblant les trente ans et moins ; parmi eux des utilisateurs de drogues injectables, des jeunes touchés par la prostitution ou tout simplement en difficulté. L’information, l’accompagnement, l’écoute et la référence nous permettent de rejoindre ces groupes cibles. Il m’arrive de rester à discuter plusieurs heures avec une personne qui a besoin de soutien. Parfois on se contente d’un simple échange ou de récupérer les seringues usagées… Ma mission n’est pas de stopper leurs accoutumances mais de faire en sorte que les personnes fassent ça en toute sécurité.»
J.R. : Quelles sont les réactions des jeunes que tu rencontres ? Est-ce que le fait d’avoir vécu le milieu de la rue constitue un atout pour ton approche ?
M-A. S. : « Notre approche est basée sur la confiance. Notre rôle en tant que travailleur de rue va être dans un premier temps d’observer et de rendre notre présence habituelle. Le but est de les faire venir vers nous à travers différents moyens de communication. Cependant, certains restent renfermés et refusent toute forme d’aide. Il est indéniable que le fait d’avoir une expérience commune de la rue, qui est un milieu avec ses propres codes, est une force par rapport aux intervenants qui travaillent avec nous. Le fait d’avoir vécu dans le même milieu estompe plus rapidement la méfiance des jeunes marginaux à l’égard des pairs-aidants.
J.R. Comment as-tu connu le Collectif intervention pour les pairs ?
M-A.S. : « Par le bouche à oreille. J’ai été poussé par mes pairs qui ont pensé que j’avais le potentiel nécessaire et que c’était dans mon intérêt. Avant de devenir un pair, j’avais l’expérience de plusieurs emplois et je menais une vie stable depuis cinq ans. Mon arrivée dans le Collectif d’intervention n’a pas été un moyen de réinsertion, mais une réelle opportunité de bénéficier d’une expérience et de faire partager la mienne.»
J.R. : : Qu’est-ce qui t’anime dans ta mission?
M-A.S. : « J’ai l’impression de pouvoir mettre à profit ma connaissance du milieu et des gens de la rue aussi bien auprès des gens que je connais, qu’auprès de ceux que je connais moins. Souvent les gens réalisent après un long moment que je suis entrain de travailler. C’est un point positif car un lien de confiance est déjà établi. Il est primordial pour moi d’adhérer aux valeurs de l’association, tout en m’impliquant dans des projets qui m’intéressent. Nos idées et nos visions sont prises en compte et mises en application par les personnes que nous rencontrons.
J.R. : Quels sont les obstacles de ton travail de terrain ?
M-A.S. : « Les dangers avec la justice. Nous sommes en semi légalité dans la rue et il faut toujours être prudents. La cohabitation au sein de la population de la rue s’est beaucoup améliorée. Il y a quelques années, il y avait encore des épreuves d’ancienneté dans le but de tester les convictions du nouvel arrivant. Les populations auprès desquelles nous travaillons ne présentent pas de réel danger. Mais nous rencontrons quotidiennement des préjugés et ressentons parfois un sentiment de mise à l’écart.»
J.R. : Parle-nous de tes interventions en milieu scolaire.
M-A.S. : « J’anime des discussions sur les droits des jeunes et l’intégration au travail. Je les sensibilise au VIH, VHC (hépatite C) et aux autres maladies sexuellement transmissibles qui sont courantes chez la population que je rencontre. Cette expérience a été très confrontante pour moi du au fait de me retrouver devant des jeunes dans un milieu institutionnel. Une opportunité pour moi de me réconcilier avec mes phobies; ça a été aussi thérapeutique pour moi que pour eux ! En effet il m’arrive de travailler avec des classes spéciales, avec des élèves agités ou qui sont sujets à des troubles du comportement. Au final, le message passe bien car je me démarque de par mon expérience et mon parcours; ils m’écoutent et semblent intéressés.»
J.R. : Si tu avais un message à faire passer ?
M-A.S. : « Prôner l’acceptation plutôt que l’abstinence ! En prônant l’abstinence, nous avons tendance à éloigner les gens ou les pousser à mentir. Il faut être réalistes et accepter leur situation et ne pas leur apporter plus de mal-être par notre vision que les méfaits, les préjugés et les discriminations que les gens subissent déjà. Si cette idée pouvait être généralisée à la société, cela engendrerait un changement certain.»
L’enquete est bien menée et tres interessante.Bravo pour le travail sur le terrain de M A SAVORY.
J’ai écouté avec interêt l’entrevue de Julie Robert avec Kim Heynemand et elle constate que la plupart des jeunes de la rue sortent du système des familles d’acceuil. Est-ce normal qu’un système établi pour donner aux jeunes de la stabilité suite à une situation de crise au sein de leur milieu familiale, les conduisent en bout de ligne, à une situation de précarité et marginalité? Il y a des pistes à suivre … Bravo!