Éloge funèbre

La semaine dernière, le XXe siècle a perdu deux de ses grands acteurs. Chacun à sa manière, Aimé Césaire (Martiniquais, 1913-2008) et Germaine Tillion (Française, 1907-2008) ont contribué à donner à ce siècle l’un de ses rares traits positifs. Ils ont donné une voix aux humains des marges, de la périphérie, jusque-là noyés sous la fanfare tonitruante et hégémonique de l’homo europeanus. Ils ont contribué à redonner au monde colonisé une humanité confisquée. Ils ont défoncé les murs du zoo humain. Ils ont décolonisé les esprits du dominant et du dominé, les ont libérés de leurs complexes de supériorité et d’infériorité respectifs. Certains m’accuseront, à l’aune d’un XXIe siècle où semblent triompher les dogmes blancs de la pensée néolibérale, de gonfler l’apport de Césaire et de Tillion à l’édification d’un monde meilleur. Soit. Je voulais composer un éloge funèbre, c’est fait. Maintenant, et évidemment, mille questions demeurent. Pour commencer, qu’en a-t-elle fait, la périphérie, de cette voix? Ensuite, peut-on vraiment prétendre avoir lavé de nos cerveaux toute la merde que 500 ans de domination de l’autre y ont accumulée? Pour bien des touristes, la terre est toujours un zoo où il est possible d’observer l’autre dans son «habitat naturel», tipis, huttes, etc.

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