Mercredi dernier, comme à l’habitude, je me suis levé. Il faisait un peu froid je pense dans la maison, ce qui est bien. La cafetière en route, j’ai mis un chandail chaud, je suis sorti sur le balcon, et j’ai regardé autour de moi et dans le ciel. Je savais que je n’étais pas le seul, ce matin-là, à scruter l’horizon avec une drôle de gueule, pas celle de d’habitude. Je cherchais des petits trous noirs, parce qu’on venait de mettre en marche le Grand Collisionneur de hadrons (LHC), et que certaines gens très portés sur le catastrophisme, l’apocalyspe et ces trucs-là nous avaient mis en garde par rapport aux risques que les petites expériences menées là-bas ne dégérèrent. Alors je cherchais les petits trous noirs, sans trop savoir à quoi ça devait ressembler. Des vrais trous, avec le ciel qui tombe dedans? J’ai vu une corneille à contre-jour et j’ai failli vomir de peur. Le café a crié qu’il était prêt alors je suis rentré.
Ce que j’aime de ce genre de conneries alarmistes, c’est qu’elles me font sentir humain, je veux dire près de mon espèce, solidaire et engagé sur le même sentier. Je tâtonne avec eux, my fellow humans. Alors moi et mes potes on fait des expériences, genre faire deux protons se rentrer dans le mou, puis on se cache derrière un buisson avec nos lunettes de sécurité et on tremble de peur. Quand c’est fini et qu’on est toujours en vie, on recommence. C’est de la vraie camaraderie, et il y a même les parents-poules qui jacassent que c’est pas des jeux convenables, que c’est les outils à Dieu et qu’il faut pas y toucher. Foutaises qu’on chuchotte, et on y retourne rendus plus excités encore par l’interdit.
Je suis content d’être avec vous, mes humains, et qu’on fasse ces choses-là ensemble. On devrait se voir plus souvent. Comme ça si on tombe dans le petit trou noir qu’on aura fait, au moins ce sera dans la joie, comme des frères et soeurs.